dimanche 26 mars 2023

Bartleby le scribe d’Herman Melville - avis de lecture


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Résumé :

Le monde que Melville décrit dans la célébrissime nouvelle Bartleby en 1853, c’est déjà le monde de la start up nation, des travailleurs atomisés, surveillés, uberisés ; le monde des « bullshit jobs », de l’open space et de la transparence ; un monde impersonnel et vide, dématérialisé et pétrifié, dans lequel toute issue ne débouche que sur des impasses et où toute forme de résistance est criminalisée. Le monde du copyright, de la mégalopole et du flux. Bref, un monde marchand, brutal et clos, né dans la première moitié du XIXème siècle à Wall Street, et qui est devenu aujourd’hui le nôtre. Il n’est donc pas étonnant que « I would pefer not to » ait pu servir  de slogan aux manifestants du mouvement Occupy Wall Street.

Bartleby Le Scribe est une nouvelle écrit par l’auteur américain Herman Melville, qui est très connu pour son roman « Moby Dick ». Bartleby est un nouveau scribe pour un avocat à Wall Street qui a été d’abord sincère à son travail, par lequel son patron a été impressionné. Cependant, petit à petit, il a perdu son intérêt sur toutes les choses, et alors, a toujours répondu pour chaque question par son fameuse phrase « j’aimerais autant pas ».

Même si la nouvelle a été écrite il y a deux siècles, elle est encore très réaliste comme précisé dans la quatrième de couverture par l’éditeur, que le texte est encore pertinent dans le monde uberisé et du « bullshit jobs » (afin de lire mon avis sur le texte par l’anthropologue David Graeber sur Bullshit Jobs, cliquez ici). Il a également montré les absurdités sur l’environnement du travail, où l’avocat, même si Bartleby n’a fait aucun travail, il n’a pas été licencié parce qu’il n’y avait aucun impact sur son business jusqu’à le moment quand ses clients a commencé d’évoquer la question que pourquoi il y avait quelqu’un au bureau qui n’a fait rien et alors, la réputation d’avocat était abîmé. Sinon, payer Bartleby pour rien faire n’avait aucun impact.

Les études de psychologie n’était pas trop développé dans la XIXème siècle mais aujourd’hui, Bartleby sera diagnostiqué comme souffrant d’une dépression sévère. C’était aussi un commentaire sur la société d’Etats-Unis à cet époque où le métier d’un individu lui définit – qui est le cas même aujourd’hui – et la société préfère quelqu’un qui va faire un travail utile pour personne que quelqu’un qui veut faire rien. Bartleby n'avait pas l'intention de continuer à être « utile » dans ce type de société et comme j’ai déjà évoqué, il y a beaucoup de similitudes entre cette nouvelle écrit dans la XIXème siècle et l’essai écrit par David Graeber dans la XXIème siècle, sur la phénomène de « bullshit jobs ».

Un point sur la traduction, j’ai adoré cette édition. Même si je parle anglais comme langue natale, j’ai dû acheter une traduction française à cause d’un problème de disponibilité. Cela dit, il y avait plusieurs explications ajoutées par l’éditeur que je comprends n’existe pas dans l’édition anglaise et même un anglophone comme moi ne va pas le comprendre sans la légende, par exemple, je n’ai aucune idée de quoi s’agit un « dead letter office » (bureau des lettres mortes) parce que c’est un phénomène de XIXème siècle, expliqué par l’éditeur dans la traduction française.

J’ai adoré la nouvelle, et même si c’est un peu de caricature et l’auteur a utilisé une absurdité pour évoquer le sujet, à mon avis, cet un sujet qu’on doit avoir une discussion pour éviter ces types d’absurdités qu’on a aujourd’hui. Je donnerai le livre une note de huit sur dix.

La note – 8/10

Bonne journée,
Andy

lundi 20 février 2023

Retour au pays bien-aimé de Karel Schoeman - avis de lecture


 

Résumé :

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« Pour George, ce voyage en Afrique du Sud était la promesse d’un retour sur les terres de ses ancêtres afrikaners. Mais dans l’immensité du veld, ce ne sont pas seulement des souvenirs qui resurgissent. Entre la peur, le silence et la ruine du monde « d’avant », le retour du fils prodigue tourne très vite à l’étouffement. Pour ces familles de paysans délaissées par l’histoire, George représente tout à la fois. L’étranger et l’enfant du pays. Le passé et l’avenir. Un rôle qui va s’avérer bien vite trop lourd à porter. »

Retour au pays bien-aimé est un roman d’auteur connu d’Afrique du sud, qui a écrit des romans en afrikaans – la langue qui est parlé par une majorité d’afrikaners, un peuple qui ont l’origine au Pays-Bas. L’intrigue se déroule en 1972, l’époque d’apartheid en Afrique du sud.

George Neethling est rentré au son pays, après avoir grandi presque toute de sa vie en Suisse pour voir la ferme ou il est né, la ferme de famille Neethling à Rietvlei en Afrique du sud. En route, il s’arrête chez la famille Hattingh et il est informé qu’il n’y a plus rien à Rietvlei car sa mère (Anna Neethling) à quitté il y a très longtemps et personne ne s’est occupé de la ferme. Il est accueilli dans la famille de Hattingh et tout le monde dans sa famille sont intéressé.e.s à savoir différentes choses parce qu’il n’ont jamais vu quelqu’un d’étranger ou quelqu’un qui a vécu à l’étranger. Les conversations entre Carla (la fille d’Hattingh) et George était mon favori, avec des dialogues très fortes dans les deux côtés. Un autre point fort que j’ai bien aimé était le fête organisé pour George, où chacun a eu ses propres raisons pour danser avec George pour savoir quelque chose.

L’auteur a exploré beaucoup d’émotions humaines qui se passent partout dans le monde, comme nostalgie avec George, où il a dépensé trop d’argent pour venir en Afrique du sud même si il a eu peu d’espoir que le pays sera mieux que lequel sa mère a quitté, et également les valeurs familiales avec Hattingh et ses ami.e.s. Il y a avait également l’air de mystère, soit avec George, soit avec la famille Hattingh et ses ami.e.s pour deux tiers du livre, que j’ai trouvé intéressant. Le contraste entre quelqu’un de la campagne et quelqu’un de la ville a été bien vu également, particulièrement entre les conversations entre Carla et George, lorsque où la première a dit qu’ils parlent les mêmes mots, mais pas la même langue. Une autre facette du livre que j’ai bien aimé était la description du paysage et les villages et je me suis senti vraiment être en Afrique du sud en 1972. Le roman a aussi touché beaucoup de la politique même si l’auteur n’a jamais précisé que c’est du politique – il a juste évoqué le sujet en utilisant les autres personnages comme Gerhad qui a parlé d’un devoir de George vers ses ancêtres et « son pays ». Même la transformation de George était intéressant, où il s’est senti comme chez lui au début mais à la fin, il a commencé à s’identifier comme un étranger.

Un problème peut-être pour les lecteur.ice.s est le fait qu’on a besoin d’un contexte, le roman est écrit pour les afrikaners en Afrique du sud et si on ne connait pas l’histoire du peuple afrikaner ou du pays, ça sera difficile pour apprécier certains subtilités et parfois ennuyeux également. C’était un remarque fait par une moitié des participant.e.s dans mon club de lecture où on a discuté le roman et je comprends leur point de vue.

En bref, j’ai adoré le livre, c’était bien écrit où l’auteur a évoqué beaucoup de sujets complexes malgré la petite taille du roman (que 250 pages dans mon édition de poche). Alors, je donnerai le roman une note de huit sur dix.

La note – 8 / 10

Bonne journée

Andy

vendredi 12 août 2022

Maus d’Art Spiegelman – avis de lecture

 


A noter : J’ai lu la bande dessiné en anglais

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Maus est une œuvre non-fiction de l’illustrateur Art Spiegelman, récompensé par le Pulitzer, qui prend le forme d’une bande dessinée et nous présente l’histoire de la survie de son père sous le régime nazi et dans divers camps de concentration. Le livre traverse plusieurs périodes – le présent de l’écrivain, aux Etats-Unis dans les années 70 ; la Tchécoslovaquie et la Pologne avant la guerre ; la survie de son père après la guerre et son émigration éventuelle aux Etats-Unis.

Le livre commence par une visite de l'auteur à son père, Vladek, un juif de l'actuelle République tchèque, et il évoque son idée de présenter l'histoire de la survie de son père sous la forme d'une bande dessinée. Le récit dépend des souvenirs de son père et l'on ne peut que faire confiance à son père en tant que narrateur fiable. Il commence par se rappeler comment il a rencontré sa femme Anja, la naissance de leur premier enfant, Richieu. Il a vécu beaucoup de tragédies personnelles, la mort de son premier enfant pendant l'holocauste, le traumatisme auquel il a dû faire face dans les camps, le suicide de sa femme beaucoup plus tard dans leur vie (et l'impact que cela a eu sur Art, l'auteur lui-même), et les problèmes relationnels actuels qu'il avait.

J'ai aimé la façon dont l'auteur a choisi de présenter la discussion entre son père et lui telle quelle, y compris les diverses disputes qu'ils ont eues au cours de la discussion (à un moment donné, le fils traite son père d'assassin, mais je ne divulguerai plus davantage que cela). C'était un choix intéressant plutôt que de simplement présenter l'histoire de la survie de son père dans les camps sous forme de roman graphique, car nous pouvions comprendre une grande partie de leurs luttes actuelles, des années après l'holocauste, y compris pour les descendants des survivants (comme l'auteur).

L'auteur présente également plusieurs thèmes subtils, dans lesquels tous les personnages sont présentés comme des animaux - les Juifs comme des souris, les Polonais comme des cochons, les Allemands comme des chats, les Français comme des grenouilles, etc. Ces thèmes reflètent les stéréotypes et l'absurdité de classer tout un groupe de personnes comme étant « les mêmes », étant donné qu'aucun de ces groupes n'est un monolithe. L'auteur l'a également mis en évidence lors d'une dispute idéologique entre un Juif russe - qui défend des idéologies communistes - et Vladek, qui s'en prend à lui parce qu'il est capitaliste et n'a jamais « travaillé » de sa vie.

Bien qu'il s'agisse d'une remarquable histoire de survie, il faut également noter que l'histoire est racontée par Vladek, le personnage qui semble avoir des solutions à tous les problèmes et qui a également une solution pour tous les problèmes de sa femme. Le livre met également en évidence son évolution en tant que personnage. En effet, à l'heure actuelle, lors d'une dispute entre Vladek et sa belle-fille (la femme d'Art), Vladek fait une remarque raciste à l'égard d'une personne de race noire (au motif qu'il fait aux Noirs exactement ce que les nazis lui ont fait).

Les luttes d'Art ont également été bien montrées, lorsqu'il était en session avec son psychiatre, et qu'il remarque que son frère décédé était comme ce « fils parfait » et qu'à chaque fois, il était en compétition avec une photo, ce qui s'est avéré très difficile pour lui.

Le seul inconvénient, bien que je ne commente pas les choix de vie d'un individu lorsqu'il s'agit d'une biographie, je dirais quand même que Vladek n'était pas une personne particulièrement sympathique pour moi, il était raciste, pour moi il passait pour la version des années 30 d'un « gold digger » - dans laquelle il rejette les avances d'une femme non pas par manque d'intérêt, mais parce qu'elle vient d'une famille très pauvre et qu'elle ne peut pas se permettre sa dot. D'ailleurs, l'une des vertus qu'il prête à sa femme Anja est qu'elle vient d'une famille très riche.

Dans l'ensemble, j'ai aimé ce livre - il était bien présenté, j'ai particulièrement apprécié qu'il soit présenté davantage sous la forme d'un mémoire et qu'il ne soit pas chronologique. Il présente un événement très grave, l'une des plus grandes tragédies de l'histoire de l'humanité, sous forme de bande dessiné, avec ses propres subtilités (lorsqu'il s'agit de présenter des groupes de personnes comme des animaux). Sur ce point, je donnerais à ce livre une note de huit sur dix.

La note – 8 / 10

Bonne journée
Andy

dimanche 6 février 2022

Le pouvoir de la pensée flexible par Adam Grant – avis de lecture

 


Quatrième de couverture :

« Cela ne marchera jamais ! », « C’est trop compliqué ! », « C’est comme ça qu’on a toujours fait ! », ces phrases vous sont-elles familières ? Alors que nous évoluons dans un monde en mouvement permanent, que nous passons notre temps à remplacer nos biens matériels pour de plus performants, pourquoi restons-nous si souvent campés sur nos positions ?

C’est que nous trouvons refuge dans le confort de nos convictions, nous nous entourons de personnes qui partagent nos idées et fuyons à tout prix la contradiction. Pour Adam Grant, c’est là notre plus grande erreur. À travers de nombreux exemples et en puisant dans les dernières avancées des sciences cognitives, il démontre ici que la capacité à renouveler notre pensée est déterminante pour atteindre à la fois l’excellence et la sagesse.

Nous avons tous la capacité d’apprendre à mettre à l’épreuve nos convictions, tester nos idées, soutenir la contradiction et cultiver les bienfaits du doute. Ayons le courage de nous forger une pensée flexible. C’est la clé de la réussite, car l’innovation et le progrès demeurent du côté de ceux qui savent « repenser ».

 

A noter : J’ai lu le livre en anglais : to read the review in English, click here.

 

Le pouvoir de la pensée flexible (Think Again) est un livre d’auto-assistance écrit par le psychologue et professeur, Adam Grant. Ce livre souligne l'importance de repenser et de réapprendre, car nous tombons souvent dans le piège des « meilleures pratiques ». L'auteur donne plusieurs exemples de réussite où les personnes impliquées ont réussi de grandes choses en parvenant à repenser et à agir différemment dans une situation et où ceux qui sont intelligents au sens traditionnel ont fini par échouer.

L’auteur commence le livre avec un incident dans un groupe de pompiers aux Etats Unis, où la plupart ont tragiquement perdu la vie bien qu'ils aient suivi exactement ce qui leur avait été enseigné, à l'exception d'un seul qui a pensé différemment et a fait quelque chose qui ne figurait dans aucun des manuels. Le point de vue de l'auteur est que si la compréhension traditionnelle de l'intelligence est de penser et d'apprendre, il est tout aussi important dans le sens moderne de repenser et de désapprendre.

Étant donné que le livre a été écrit récemment, dans l'ère post-Covid-19, les exemples donnés sont pertinents et l'auteur cite même des exemples d'échecs précoces dus à l'incapacité de repenser et de désapprendre ce qu'ils savaient jusqu'à présent. Les exemples cités étaient très intéressants, l'auteur citant des types de personnalité multiples - les gens se mettant en mode « prêcheur » lorsqu'il s'agit d'idées auxquelles ils croient et en mode « procureur » lorsqu'il s'agit d'une idée avec laquelle ils ne sont pas d'accord. C'est la première fois que j'ai vu quelqu'un soutenir que le « syndrome de l'imposteur » n'est pas nécessairement mauvais, et que le fait d'en souffrir nous oblige à repenser et à réapprendre davantage que ceux qui sont certains - et l'auteur a étayé ses propos par des données suggérant qu'il n'existe aucune donnée indiquant que ceux qui se considèrent comme des imposteurs obtiennent de moins bons résultats que leurs pairs qui n'ont pas cette opinion.

Cependant, certaines parties du livre ne me semblent pas pratiques, que ce soit en termes de sécurité ou de santé mentale. L'auteur donne l'exemple de Daryl Davis, un chanteur américain issu de la communauté afro-américaine qui avait convaincu plusieurs membres du Ku Klux Klan de quitter en s'engageant avec eux et en leur permettant de repenser leurs positions. Même si l'on ne tient pas compte de l'aspect sécuritaire, souvent, une discussion avec quelqu'un qui a de telles opinions nous laisserait très contrariés d'avoir eu une telle conversation en premier lieu (je parle ici pour moi-même).

Certaines des conclusions de l'auteur étaient extrêmes d'après ce que j'ai vu, arguant d'une certaine manière que ceux qui ont un QI ou sont considérés comme conventionnellement intelligents sont désavantagés car ils peuvent identifier des modèles avec facilité, et donc suivre une tendance passée plutôt que de repenser (en donnant l'exemple de Lazaridis qui était inflexible sur le design du Blackberry).

Ce livre est une lecture intéressante et plutôt facile, et pourrait donner quelques conseils et beaucoup de confiance à ceux qui ont beaucoup de doutes sur leur situation. Quant à savoir si toutes ces suggestions sont pratiques, seul le temps le dira. Compte tenu de mon expérience personnelle avec le livre, je lui accorde une note de sept sur dix.

La note – 7 / 10

Bonne journée,
Andy

samedi 29 mai 2021

Bullshit Jobs : Un phénomène mondial par David Graeber – avis de lecture



Quatrième de couverture :

« Alors que le progrès technologique a toujours été vu comme l’horizon d’une libération du travail, notre société moderne repose en grande partie sur l’aliénation de la majorité des employés de bureau. Beaucoup sont amenés à dédier leur vie à des tâches inutiles, sans réel intérêt et vides de sens, tout en ayant pleinement conscience de la superficialité de leur contribution à la société.

C’est de ce paradoxe qu’est né et s’est répandu, sous la plume de David Graeber, le concept de « bullshit jobs » – ou « jobs à la con », comme on les appelle en français. »

A noter : J’ai lu le livre en anglais, alors, je vais utiliser l’expression anglaise – « bullshit jobs »

Bullshit Jobs est un livre écrit par l’anthropologue David Graeber sur la base de témoignages il a reçu pour en essai il a écrit sur le phénomène de bullshit jobs. L’auteur estime qu’environ 40 à 50 % des jobs dans le monde sont inutile. Il construit un argumentaire pour défendre cette position dans ce livre.

L’écriture est normalement structurée dans la manière suivante : l’hypothèse de l’auteur (parfois étayée par des données ou des incidents célèbres), suivie d’un témoignage confirmant sa propre hypothèse de la part d'un de ses lecteurs, puis, tire une conclusion sur la base de ce témoignage. La manière dont l'auteur exprime certains termes est plutôt indiscrète, ce que certains pourraient même considérer comme péjoratif pour certains emplois - mais je suppose que c'était aussi l'intention de l'auteur, d'attirer l'attention sur le phénomène.

L'aspect positif de ce livre est qu'il m'a fait réfléchir - sur le phénomène des bullshit jobs. Une grande partie du travail effectué est peut-être inutile et nous n'avons pas nécessairement besoin d'une semaine de travail de 40 heures. L'auteur tente d'utiliser la prédiction de Keynes comme justification, ce dernier ayant prédit que dans les jours à venir, en raison des améliorations technologiques, nous pourrions avoir besoin de travailler seulement 15 heures par semaine. En ce sens, l'auteur tente d'attirer l'attention sur le défaut fondamental de la société où la valeur personnelle est liée au travail et à l'effort fourni, même si cet effort n'est pas nécessaire (et l'auteur décrit cela comme une forme de sadomasochisme). La nécessité de travailler de longues heures alors que cela n'est peut-être pas nécessaire est une discussion importante à avoir.

Cela dit, s'appuyer entièrement sur des témoignages pour étayer sa théorie est peu convaincant et, dans de nombreux cas, l'auteur semble éprouver une haine profonde à l'égard de certaines professions qu'il semble avoir voulu manifester dans ce livre (comme les avocats d'affaires - et pour son information, je connais de nombreux avocats d'affaires qui sont passionnés et croient sincèrement qu'ils créent une différence, contrairement à l'hypothèse de l'auteur à leur sujet). Dans de nombreux cas, les gens peuvent détester le travail qu'ils font, avoir le sentiment qu'il est superflu et il est également possible que ces emplois n'apportent aucune valeur ajoutée à la société - mais ces faits ne sont pas suffisants pour conclure que le travail est superflu. Dans son propre exemple, il y a eu un cas où un superviseur a estimé que son travail était inutile car son équipe était parfaitement capable de remplir ses fonctions sans être supervisée, mais dès que le processus échoue, c'est à ce moment-là qu'un superviseur doit le surveiller et le corriger (et tant qu'il n'y a pas d'échec, il est possible que le superviseur ne fasse pas de travail réel). Il en va de même pour ceux qui corrigent les bugs d'un logiciel et d'autres défauts dans d'autres professions, que l'auteur nomme péjorativement « duct-tapers » (je ne sais pas l’expression utilisée dans la traduction française).

Dans la plupart des cas, l'auteur a pris des exemples extrêmes et a tiré des conclusions trop fortes pour les faits sous-jacents qu'il a utilisés pour construire son argumentation (la plupart d'entre eux étaient basés sur un sondage YouGov spécifique). Bien que la prémisse soit intéressante, cela aurait pu rester un essai au lieu d'être un livre à part entière, j'ai été déçu par la première moitié du livre, mais la dernière moitié l'a sauvé pour moi.

Comme je l'ai dit précédemment, ce livre est intéressant dans la mesure où il pourrait servir de base à de nombreuses conversations que nous devrions avoir sur la façon dont l'environnement de travail et la société en général doivent être structurés à l'avenir. J'ai été mal à l'aise avec le type de langage utilisé par l'auteur, mais c'était peut-être attendu au vu du titre même du livre. Ce livre pourrait être lu comme un long essai et nous pourrions l'utiliser pour construire nos propres pensées sur le sujet et ignorer une grande partie des conclusions de l'auteur.

Pour conclure, je donnerais à ce livre une note de six sur dix.

La note – 6 / 10

Bonne journée,
Andy 

samedi 8 mai 2021

Frère d’âme par David Diop – avis de lecture


 

Quatrième de couverture :

« Moi, Alfa Ndiaye, dernier fils du vieil homme, j’ai vu les obus malicieux, les ennemis aux yeux bleus, le ventre ouvert de mon plus que frère, Mademba. Par la vérité de Dieu, j’ai entendu le capitaine Armand et son sifflet de mort, les cris des camarades. Ils disent que je mérite une médaille, que ma famille serait fière de moi. Moi, Alfa Ndiaye, dernier fils du vieil homme, je suis tirailleur sénégalais. »

Frère d’âme est un roman historique écrit par David Diop. L’histoire se déroule pendant la première guerre mondiale. Le personnage principal est Alfa Ndiaye, un tirailleur sénégalais dans l’armée de la France, qui a eu une expérience profondément troublante dans sur le champ de bataille.

L’histoire commence par la mort de Mademba Diop dans des circonstances horribles, la personne qui Alfa appelle comme son plus que frère. Mademba a demandé à Alfa de le tuer pour mettre fin à ses souffrances, ce qu’Alfa ne pouvait se résoudre à faire. Depuis cet incident, Alfa voulait se venger de l’ennemi « aux yeux bleus » et il a recréé la scène de la mort de Mademba plusieurs fois avec un soldat ennemi. Son propre camp et son capitaine dans la tranchée était inquiété par Alfa et voulait le retirer des fonctions de combat.

C’était une prémisse très intéressante et j’aimait le style de narration d’auteur. Plusieurs fois, Alfa racontait son passé au lecteur / à la lectrice, mais cette remémoration est à cause aux événements actuels et nous pourrions donc dire que la narration est toujours linéaire. D’abord, il nous raconte son avis sur la tranchée et les expectations sur les soldats noirs : de se comporter comme sauvages pour intimider l’ennemi car c’est la perception sur eux. Il a aussi montré une déconnexion entre les Français dans la trachée et les Africains et quelques instances de comédie noire (que leur mort vaut la peine à cause de la pension de famille).

La raison pour le bizarre comportement d’Alfa après la mort de Mademba serait identifiée comme un trouble de stress post-traumatique (TSPT) aujourd’hui. Il a été considéré comme un paria par les Français et les Africains dans son campe, ces derniers qui le considèrent comme un djëmm (diable en Wolof) – j’aimais les références Wolof, mêmes les croyances et les contes raconté par Alfa.

Ma partie favorite était la narration d’histoire de famille Ndiaye par Alfa – dans un petit village en Sénégal – on apprend les traditions du village, la situation politique et aussi les risque et leurs relations avec les voisins. On apprend aussi comment la relation entre Alfa et Mademba était développé – et le contraste de leurs personnalités où Mademba était l’intellectuel (qui parlait français) et Alfa était « l’homme forte ».

J’aimerais s’il y avait un peu plus des pages sur le livre – parce que j’étais très intéressé par la partie sur Sénégal et j'aurais aimé en avoir beaucoup plus. Alfa est un personnage avec qui on peut sympathiser mais nécessairement aimer est j’apprécie cette complexité.

A conclure, cette une excellente lecture et je donne une note de huit sur dix.

Rating – 8 / 10

Bonne journée,
Andy

samedi 24 avril 2021

Fille, femme, autre par Bernadine Evaristo – avis de lecture


 

Quatrième de couverture :

« Imaginez un chœur polyphonique réunissant douze femmes dont un homme trans, âgées de 19 à 93 ans, presque toutes noires, chantant leur(s) expérience(s) britannique(s) dans une scénographie multipliant décors et points de vue de Newcastle à Cornwall en passant par Londres et dans une chronologie s'étendant du XXe siècle aux trébuchements d'un XXIe siècle remodelé par les mouve-ments #metoo et #Blacklivesmatter. Cela donne Fille, Femme, autre, un roman-fusion époustouflant où, comme le soutien-gorge en son temps, la ponctuation a été allègrement jetée par la fenêtre. Son auteure, Bernardine Evaristo, a raflé comme une tornade dans son passage tous les honneurs dont le Man Booker Prize 2019 devenant ainsi la première femme noire à recevoir le prestigieux prix. »

A noter : J’ai lu le roman en anglais

Femme, fille, autre est un roman de Bernadine Evaristo, lauréat du prix Booker en 2019, qui met en scène douze personnages principaux, tous des femmes noires britanniques. Chacun de ces personnages était lié d’une manière ou d’une autre ; inévitablement, les deux premiers personnages soit une relation mère-fille (ou l’inverse) et le troisième est une femme étroitement impliquée dans la vie de l’une ou des deux.

Les personnes dans le roman sont de différentes couches de la société – une dramaturge aisée et sa fille rebelle, une immigrée nigériane qui dirige une entreprise prospère et sa fille qui est admise à Oxford et en train de perdre son identité « nigériane », une enseignante, une mère célibataire une mère célibataire adolescente en difficulté, un personnage qui s'identifie comme « neutre du point de vue du genre », etc. A travers ces personnages, l’auteur explore de multiple thèmes – le patriarcat, les privilèges, le racisme, l’intersectionnalité – dans laquelle certains des personnages sont souvent confrontés à une discrimination à trois niveaux, le fait d’être une femme, d’être noir et d’être lesbienne.

Le roman est écrit d'une manière étrange, je me suis d'abord demandé s'il y avait une erreur dans ma version du livre ou s'il y avait une erreur d'impression tout au long du livre. Le livre a une structure poétique dans laquelle il n'y a presque pas de phrases complètes et des sauts de paragraphe tout le temps. Cependant, je m'y suis habitué dès les vingt premières pages et j'ai pu alors apprécier ce style d'écriture.

J'ai aimé la façon dont chacun de ces personnages était relié - ce qui a ajouté un élément de suspense involontaire, à savoir à quel moment ce personnage va être relié à un ou plusieurs autres personnages précédents. Cependant, la relation entre les personnages n'est pas aussi importante que les individus eux-mêmes, car chacun d'entre eux avait ses propres complexités. Ma section préférée a été le chapitre avec Bummi (l'immigrée nigériane mentionnée plus haut) et sa fille Carole, qui regardait de haut la plupart de ses camarades de classe, puis l'histoire est présentée du point de vue d'une de ces camarades. L'histoire est présentée du point de vue d'une de ces camarades. Cela devient intéressant lorsque chaque personnage semble justifié en racontant l'histoire de son point de vue.

J'étais circonspecte quant à la manière dont elle avait exprimé certains de ses messages, peut-être pour mieux s’engager à un public mondial (je suis sûre que l'auteur connaît mieux l'Afrique de l'Ouest que moi). C'est le cas lorsqu'elle utilise à plusieurs reprises le mot « nigérian » - comme lorsque Bummi dit à Carole qu'elle doit embrasser son identité nigériane et n'épouser qu'un homme nigérian, alors qu'il s'agit d'un endroit très diversifié sur le plan culturel, les ethnies n'ayant que peu de liens entre elles. D'après leur profil, j'ai pu déduire que Bummi était Igbo et que chaque fois qu'elle disait « Nigérian », elle parlait peut-être d'un Igbo ou d'un groupe ethnique apparenté (et probablement pas d'un Haoussa ou d'un Peul qui sont aussi des « Nigérians »).

J'ai apprécié tous les chapitres, mais certains pourraient avoir l'impression qu'il y a une forte répétition, la plupart des personnages répétant souvent les mêmes thèmes de patriarcat ou d'intersectionnalité. J'ai également pensé qu'il aurait pu y avoir un peu plus de diversité dans le livre - avec un personnage britannique blanc moins privilégié. Il y a eu une conversation prometteuse entre Yazz, la fille adolescente d'un dramaturge, et son amie cornouaillaise au sujet des « jeux olympiques du privilège » et j'aurais peut-être aimé une histoire consacrée à cette amie. Mais j'apprécie que tous les personnages ne soient pas basés à Londres.

Dans l'ensemble, ce livre a été une excellente lecture - c'était un style d'écriture engageant pour diverses raisons (que ce soit la langue ou même la structure), les multiples thèmes qui ont été explorés et les personnages attachants. Sur cette note, je donnerais à ce livre une note de huit sur dix.

La note – 8 / 10

Bonne journée,
Andy